Suite au précédent article, j’ai décidé d’en rédiger un second (cf. Chroniques : point de vue d’un auteur), mais cette fois-ci en regardant de l’autre côté de la lorgnette. Je rédige des chroniques pour les sites Ex-Tenebris, Mythologica et, même, pour des comités de lecture. Le travail et les difficultés sont, à mon sens, similaires.
Chroniquer une œuvre ne semble pas, a priori, bien compliqué. On lit, armé d’un calepin et d’un crayon, on note nos impressions, on les met en forme et le tour est joué. La réalité n’est pas aussi simple, du moins si l’on veut fournir un travail sérieux.
Alors, une méthode ?
Ben oui. Comme pour beaucoup d’autres tâches, il faut un minimum d’organisation. Au début, je me contentais de prendre des notes à la volée tout en lisant le texte. Je me suis vite rendue compte que c’était du n’importe quoi. Je perdais le fil de ma lecture, j’étais obligée de revenir en arrière, de relire certains passages pour, au final, obtenir un truc ressemblant à une liste de courses rédigée par quatorze personnes différentes.
À partir de là, j’ai changé de technique. J’ai adopté le système des colonnes + / – en essayant d’aérer mes notes. De fil en aiguille, j’ai constaté qu’il valait mieux être encore plus précise et j’ai donc créé trois catégories, chacune ayant ses colonnes :
1- Orthographe/grammaire
2- Style
3- Histoire/contenu
Beaucoup plus efficace, cela m’a permis de gagner du temps et de mieux cerner mon ressenti sur le texte. J’admets volontiers éprouver moins de difficultés pour un texte que j’ai adoré ou détesté. Les mots viennent facilement, les colonnes se remplissent très vite ! Par contre, pour ceux situés entre ces deux extrêmes, les choses se compliquent. Il m’arrive même de ne pas réussir à déterminer ce qui me gêne : je ressens juste un problème, j’ai du mal à le voir. Il me faut souvent relire pour cerner ce qui cloche. Un texte « moyen » me prendra donc plus de temps que les autres.
Résultat ?
Il faut bien rédiger ses notes… on ne peut pas fournir les quelques mots notés bruts de fonderie sans un minimum de rédaction. Il s’agit là, pour moi, d’une difficulté supplémentaire. Je trouve que le langage écrit peut être très (trop) facilement interprété et je me méfie donc de la manière dont je rédige un avis. La personne qui me lira doit comprendre ce que je veux lui dire. Pour cela, je privilégie des phrases courtes et je n’hésite pas à citer un passage du texte pour illustrer clairement mon propos. Je trouve que cela fonctionne beaucoup mieux ainsi.
Là aussi, les textes « moyens » me posent problème : j’ai plus de mal à expliquer ma pensée, et encore plus à donner un conseil pour améliorer le point qui m’a dérangée. J’essaie toutefois d’être précise. Tout cela nécessite plusieurs heures de travail (lecture + chronique) et voilà bien un élément trop souvent oublié !
Méchanceté gratuite ou passage de pommade en règle.
Les chroniques sont jugées par leurs lecteurs, bien entendu, et les réactions sont parfois violentes. J’ai vu des chroniqueurs se faire insulter parce qu’ils n’avaient pas aimé tel titre ou, au contraire, parce qu’ils l’avaient apprécié. Je reviens à ce que j’ai dit dans mon précédent article : si un « c’est nul » ne doit pas être pris en compte, parce que bêtement sommaire, un avis argumenté doit l’être, même si l’on est pas d’accord. J’admets volontiers que ça n’est pas facile mais, pour ceux qui n’en sont pas capables, mieux vaut le silence que l’agression, il me semble. Un buzz récent est un bon exemple en la matière, d’ailleurs.
Une discussion avec le chroniqueur est souvent possible via les commentaires et peut enrichir la chronique de manière intéressante. Ceux qui la liront par la suite auront ainsi différents points de vue et seront d’autant plus enclins à poursuivre la discussion.
Frustration…
Si, en tant que membre d’un comité de lecteurs, je trouve normal de ne pas avoir de retours, j’avoue éprouver souvent un sentiment de frustration lorsque quelqu’un m’a demandé un avis. Souvent, je n’ai aucun retour ou juste un remerciement qui ne me dit pas si l’auteur prend en compte mes remarques ou, même, s’il souhaite entamer un dialogue avec moi pour approfondir mon opinion. Je comprends donc parfaitement que des chroniqueurs puissent éprouver la même chose lorsqu’ils ont peu ou pas de commentaires sur leurs blogs et c’est aussi la raison qui m’a poussée à donner mon opinion d’auteur dans le précédent article afin qu’ils sachent que je respecte leur travail. Donner son avis sur un texte est une chose complexe. J’ai souvent l’impression d’avoir oublié la moitié de ce que je voulais dire et j’appréhende forcément l’impact de mes propos. Rares sont les gens qui prennent plaisir à dégommer un texte (heureusement) et la majorité des chroniqueurs tentent juste de transmettre leur ressenti, afin d’aider les futurs acheteurs, mais aussi l’auteur et l’éditeur (qui devraient jeter un œil plus souvent aux chroniques pour s’améliorer). Alors oui, tout ça est complexe, il ne faut pas dire le contraire. Pour que cela marche bien, il faut du sérieux de chaque côté, il n’y a pas de secrets.
Une fois, j’avais donné mon avis sur un texte sur un forum. Comme j’allais totalement à contre-courant des louanges faites par les autres lecteurs à l’auteur, je me suis fait descendre du grenier à la cave, comme dirait ma mère. Un ou deux ans plus tard, cette auteur est venue me trouver pour me dire que j’avais raison et qu’elle s’était rendue compte que les gens qui la lisaient ne l’aidaient pas à progresser car ils se contentaient de peu. Dans l’un des domaines où j’écris, il suffit d’un peu de cul pour que tout le monde débranche son cerveau et oublie son sens critique.
Ceci dit, mes propos avaient aussi été durs. Aujourd’hui, j’essaye de faire plus attention à ce que je dis, d’être plus diplomate. Néanmoins, quand je vois ce que les éditeurs sortent, notamment dans le domaine du manga, et plus précisément dans le domaine du boy’s love, je ne peux pas m’empêcher de faire ma langue de pute. Parce qu’en tant que lectrice, je ne trouve pas qu’ils me respectent, donc je n’ai pas envie de les respecter en étant un exemple de courtoisie. Parfois, je me dis que je dois franchir la limite entre la critique et l’insulte, mais je ne vois pas comment rester zen devant une énième publication pornographique mal dessinée (j’ai rien contre le porno mais mal dessiné…!). Parfois, les éditeurs méritent de se faire remonter les bretelles.
Après, à moins d’être un maître étalon du politiquement correct, je crois que l’on pourra toujours blessé quelqu’un même si on a cru avoir mis les formes. Peut-être que l’essentiel est avant tout d’être honnête. Tant pis si la personne en face ne l’accepte pas.
Entièrement d’accord sur l’honnêteté ! Elle est capitale dans une chronique.